DISTINCTION
La scientifique d’origine libanaise est récompensée pour son travail de coordination pour des projets de médecine de précision.
Un visage calme, des yeux curieux et un regard sincère. Maud Kamal, qui a quitté le Liban depuis plus de dix ans, a porté trois choses dans ses valises : une grande humilité, de l’énergie à revendre et de l’ambition mesurée. Elle vient de remporter la première édition du prix Curie (à l’occasion des 150 ans de la naissance de l’illustre scientifique), en récompense à son travail en tant que manager scientifique en charge de la coordination de projets de médecine de précision.
Maud parle à voix si basse qu’on dirait presque des murmures. Ceux qui la connaissent bien ne sont pas du tout étonnés. La scientifique n’aime être ni sous le feu de la rampe ni félicitée. « Ce prix, je ne l’ai pas obtenu pour moi, c’est toute notre équipe qui l’a mérité », dit-elle. Certes, cette grande travailleuse veut bien admettre que cela est « valorisant ». Mais une fois qu’on l’a complimentée, elle est impatiente de passer à autre chose.
Et autre chose, chez Maud Kamal, c’est l’action. Six ans déjà qu’elle travaille dur au sein de l’Institut Carie (qui est l’acteur de référence de la lutte contre le cancer en Europe et regroupe en son sein plus de 3 300 chercheurs). Ainsi, elle coordonne des équipes, fait le suivi auprès des patients et s’occupe également des études, de la rédaction de rapports, d’articles scientifiques. « Je suis un peu comme un chef d’orchestre, je travaille avec différentes personnes pour des essais cliniques, de thérapie… », dit-elle. C’est elle qui s’est chargée de créer et de mettre en place ce projet de médecine de précision pour lequel elle a été récompensée.
À la question de savoir ce qui la pousse à prendre autant d’initiatives, si c’est de l’entrepreneuriat à la libanaise, elle répond : « Je ne sais pas. Mais lorsqu’on a grandi au Liban, on est amené à être assez responsable et travailleur. Comme si, implicitement, on se prépare déjà dès notre plus jeune âge à ce que notre carrière soit poursuivie à l’étranger. » Elle avoue d’ailleurs avoir « beaucoup plus d’admiration » pour des femmes scientifiques de son pays d’origine : « Parfois, elles ne jouissent pas du même soutien que nous. Pourtant, certaines s’accrochent et excellent. »
De l’admiration pour une femme d’exception
Après sa licence en sciences-biologie à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), la chercheuse a d’abord suivi un master au Canada. C’est en 2003 qu’elle arrive en France pour suivre son doctorat en biologie moléculaire et cellulaire auprès de l’Université de Paris 12 Val de Marne. N’est-il pas rare d’être diplômée de l’AUB et de terminer ses études à Paris ? « Cela est en effet un peu atypique mais enrichissant », note celle qui considère que les deux modèles français et américain l’ont marquée.
Au-delà des différents systèmes dans lesquels elle a baigné, Maud Kamal est surtout influencée par une femme en particulier : Marie Curie, l’engagée, la pionnière, l’humaine. « Elle est à l’origine de découvertes scientifiques majeures ayant révolutionné la vie d’aujourd’hui », affirme-t-elle. « Marie Curie est aussi la seule femme ayant obtenu deux prix Nobel dans deux domaines scientifiques distincts », rappelle la lauréate de la première édition du prix Curie, qui porte le nom de celle qu’elle admire tant. De quoi l’inspirer, la pousser de l’avant et la faire rêver. Et de quoi rendre tous les Libanais fiers.
L’orient le jour – 19/12/2017- Pauline M. KARROUM, à Washington DC